Le courant hydroponique, dominant
Lorsque qu’elle est portée par une ambition principalement économique, la dynamique actuelle de l’agriculture urbaine est dominée par une orientation technologique véhiculée par les références américaines. Les images sont fortes : Fermes de Lufa à Montreal, The Plant à Chicago, fermes verticales médiatisées par Dickson Despommiers aux Etats Unis, par l’agence SOA en France… Et aussi les unités de production hors sol des fermes japonaises.
Toutes ces solutions ont en commun le modèle hydroponique : les légumes sont cultivés hors-sol et alimentés par un bain de nutriments dans une ambiance contrôlée thermiquement et sanitairement.
Lufa Farms – Montréal
Fermes Verticales – Dickson Despommiers, SOA architecture
Deux principaux écueils de ce modèle sont dénoncés :
- Les conséquences sanitaires à long terme. Le substrat stérile a remplacé le sol vivant. Les nutriments de la plante sont produits industriellement, éliminant la biodiversité du sol. Ce principe revient à un mode conventionnel intensif agricole qui actuellement fait débat.
- Les conséquences sur l’environnement. Le modèle est coûteux à l’investissement et à l’exploitation. Des objectifs importants de production sont nécessaires pour couvrir les charges et conduisent à une consommation énergétique importante pour maintenir la production en hiver.
Par ailleurs, après plusieurs saisons de fonctionnement, on constate que ce modèle n’a pu assurer la rentabilité économique escomptée.
Socialement et environnementalement contestés, économiquement peu ou pas rentable, il semble nécessaire de laisser ce modèle aux mains de la recherche et de privilégier un autre modèle. Moins visible, il offre une réponse aux écueils environnementaux du précédent : l’agriculture sur sol vivant.
Un autre modèle – l’agriculture urbaine sur sol vivant
La référence actuelle se trouve à New York, dans le Queens : Brooklyn Grange. 5 000 m² de cultures sur un bâtiment tertiaire, 40 cm de terre.
Le concept fait le deuil de créer une entreprise à part entière vivant sur la seule production maraîchère de la surface urbaine. La cohérence économique du projet s’établit sur une diversification des ressources portée par la forte attractivité du site.
Dans le cas de Brooklyn Grange, outre la vente de la production, les revenus sont tirés des activités suivantes :
- Restauration
- Cours d’horticulture urbaine
- Activités annexes (cours de yoga)
- Prestations de services aux collectivités
- Organisation de séminaires d’entreprises
Site de Brooklyn Grange aux états unis.
Diversifier acteurs et activités pour être rentable permet d’avoir une attention environnementale à la production. Le site dans son ensemble est représenté par ces valeurs.
Réinventer Paris, une adaptation à définir
La surface maraîchère, cœur du projet
La base de l’innovation repose sur la présence d’une surface agricole conséquente sur sol vivant. Une surface de terrasse de 2 500 à 5 000 m² de toiture est nécessaire. Elle constitue une innovation importante et le moteur d’attractivité du site. Cette surface peut être scindée en une partie centrée sur des activités publiques et une partie centrée sur une activité de production.
Une programmation mixte et des porteurs de projet
Ces surfaces peuvent être gérées par une entreprise ou des associations tirant leurs revenus de plusieurs activités :
- Vente de la production
- Prestation paysagère
- Prestation de service
La programmation du site est mixte. Elle appelle des porteurs de projet économiquement fiables d’une part, et qui disposent d’un intérêt particulier aux surfaces maraîchères d’autre part. Ils peuvent également soutenir tout ou partie du capital de l’entreprise gérant les surfaces maraîchères :
- Le commerce de proximité est intéressé par la production, sa dimension locale et la qualité du site.
- Le restaurateur qui dispose d’une place de choix face à la terrasse potagère. Il est intéressé par la production d’une part et la qualité du site d’autre part.
- Un établissement type EHPAD est intéressé par la qualité du site et par les activités que ces surfaces pourraient offrir aux résidents.
- Les entreprises occupant les bureaux sont intéressées par la qualité du site offert aux employés.
Economie sociale, économie circulaire, circuits courts et recherche
Les surfaces maraîchères permettent d’activer d’autres dynamiques innovantes :
- Structure sociale
Le jardin situé sur la toiture du Gymnase rue des Haie accueille 3 x/ semaine des groupes de personnes en situation de handicap. La structure loue la prestation d’accompagnement du maraîcher. - Jardin partagé, compost collectif
Les résidents des logements ont accès à la partie publique. Peut-être à un jardin partagé. Les déchets organiques sont valorisés et gérés par le maraîcher. - Circuit court et lien au péri-urbain
La ferme constituée ne fournit par une diversité et une quantité de légume suffisante pour subvenir aux besoins du restaurateur ou des résidents. Elle dispose d’un positionnement privilégié vis-à-vis de la consommation urbaine, elle fonctionne en lien étroit avec d’autres fermes du péri-urbain parisien. Le site offre des possibilités privilégiées pour une distribution en circuit court. - Recherche
Plusieurs équipes de l’agro travaillent sur le sujet de l’agriculture urbaine est du péri urbain. Un site de ce type, unique par sa taille, est un sujet de recherche à part entière.
Conclusion : un lien social de transition écologique
Certaines expérimentations d’une gestion entrepreunariale, productive et écologiques des surfaces agricoles urbaines sont en cours (aquaponie ou bioponie). Il faut les soutenir, ce que permettent les récents appels à projet de la ville de Paris en particulier. Les autres, technologiques et fantaisistes sont mettre sous le boisseau pour laisser s’exprimer une réèlle et première vertue de l’agriculture urbaine, celui de tisser des liens.
Lien à la terre pour les citadins évoluant hors sol. Lien social d’une résidence où les voisins ont du mal à se connaitre. Lien circulaire aux « déchets » qui se transforme en matière organique puis légume. Lien aux saisons et pourquoi pas une alimentation meilleure et plus saine. Liens enfin d’une ville qui prend conscience et soutient en circuits courts ses espaces maraîchers et paysans qui luttent pour se maintenir. Au final, il y a dans ces liens-là bien plus d’emplois à développer qu’un jardinier sur les toits et un chemin plaisant vers la transition écologique.
Etudes en développement
- Contrainte technique, financières et réglementaires de surfaces potagères urbaines.
- Terrasse agricoles, Buisness model et social d’un aménagement mixte.
- Agriculture urbaine, clefs de réussite.
- Acteurs, porteurs de projets.
Contact
Eric ESCANDE
eric.escande@alto-ingenierie.fr
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